Violation des droits de la défense et preuves inexploitables
2024

Violation des droits de la défense et preuves inexploitables

06 AOûT 2024

Loris Bertoliatti résume, pour la plateforme juridique en ligne iusNet Droit pénal et Procédure pénale de Schulthess Juristische Medien AG, l’arrêt du Tribunal fédéral 6B_92/2022 du 5 juin 2024 (destiné à la publication).

 

Il s’agit d’un arrêt important en lien avec certains droits de la défense, en particulier le droit de participer à l’administration des preuves et le droit à la confrontation. Précisant les contours de sa jurisprudence en la matière, le Tribunal fédéral retient que des déclarations à charge, recueillies au cours d’une audition lors de laquelle le droit du prévenu de prendre part à l’administration des preuves n’a pas été garanti, demeurent inexploitables, même si cette audition est par la suite répétée et que le prévenu peut y participer et interroger le témoin à charge. En effet, même si la répétition d’une audition intervenue en violation de l’article 147 al. 1 CPP permet d’assurer à la fois le droit à la confrontation et le droit de participer (pour la première fois) du prévenu, elle ne peut pas conduire à l’exploitabilité d’une audition antérieure effectuée en violation du droit de prendre part à l’administration des preuves.

 

 

Résumé: selon le Tribunal fédéral, il convient de procéder à une distinction entre le droit à la confrontation prévu par l’article 6 par. 3 let. d CEDH et le droit de participer à l’administration des preuves prévu par l’article 147 CPP. Assimiler ces deux droits reviendrait à vider l’article 147 CPP de sa substance. Selon la Haute Cour, le droit du prévenu de prendre part à l’administration des preuves va plus loin que son droit à la confrontation. À l’occasion de décisions antérieures, le Tribunal fédéral semblait retenir que des déclarations recueillies au cours d’une audition de confrontation conforme aux standards de l’article 6 ch. 3 let. d CEDH était susceptible de rendre exploitables des déclarations antérieures d’un témoin à charge recueillies en violation du droit du prévenu de prendre part à l’administration des preuves. En l’espèce, le Tribunal fédéral revient sur cette jurisprudence et retient qu’en définitive, des déclarations à charge recueillies au cours d’une audition lors de laquelle le droit du prévenu de prendre part à l’administration des preuves n’a pas été garanti conformément à l’article 147 al. 1 CPP demeurent inexploitables au sens de l’article 147 al. 4 CPP, même en cas de répétition de cette audition, à laquelle le prévenu a pu prendre part et interroger le témoin à charge. En effet, même si la répétition d’une audition intervenue en violation de l’article 147 al. 1 CPP permet d’assurer à la fois une confrontation et le droit de participer (pour la première fois), elle ne peut pas conduire à l’exploitabilité d’une audition antérieure effectuée en violation du droit de participation. En l’occurrence, le Tribunal fédéral retient que l’instance précédente, en se fondant sur des déclarations à charge pour considérer un enregistrement vidéo à charge du prévenu comme étant exploitable, a violé le droit fédéral dans la mesure où ces déclarations avaient été recueillies lors d’auditions déléguées à la police par le ministère public et en l’absence du prévenu et de son défenseur, en violation de l’article 147 al. 1 CPP, malgré leur répétition ultérieure.

 

 

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