Une restriction du droit de participer du prévenu est-elle admissible lorsqu’une confrontation, même indirecte, avec ce dernier est susceptible d’entrainer un grave traumatisme pour la partie plaignante ?, iusNet DP-PP 23.12.2024
Loris Bertoliatti résume, pour la plateforme juridique en ligne iusNet Droit pénal et Procédure pénale de Schulthess Juristische Medien AG, l’arrêt du Tribunal fédéral 7B_614/2024 du 5 novembre 2024.
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral retient qu’une restriction du droit du prévenu de participer à l’administration des preuves peut être admissible si elle est proportionnée et que des atténuations de cette restriction lui permettant néanmoins d’exercer ce droit sont mises en œuvre, particulièrement dans les affaires d’abus sexuels où le droit à la confrontation ne peut, selon le Tribunal fédéral, être interprété strictement.
Dans le cas d’espèce, le Tribunal retient qu’en raison de circonstances « tout à fait particulières » (fragilité psychique extrême de la victime et gravité des infractions), certaines mesures conciliables avec l’exercice adéquat et effectif des droits de la défense peuvent, en dérogation au droit de participer stricto sensu du prévenu, être prises aux fins de protéger la victime.
Résumé : le Tribunal fédéral est appelé à déterminer le caractère admissible ou non d’une ordonnance suspendant le droit d’un prévenu d’actes d’ordre sexuel avec des enfants de participer personnellement à l’audition de la victime, en raison d’un risque important de décompensation psychique et du risque considérable de récidive suicidaire – établis par certificats médicaux – qu’une confrontation, même indirecte, avec ce dernier était susceptible d’engendrer pour la victime. Les certificats médicaux retenaient notamment qu’une présence « même symbolique » du prévenu, soit dans une salle séparée ou par l’intermédiaire d’une retranscription vidéo, n’était pas imposable à la victime. Le Tribunal fédéral retient que même s’il s’agit de restrictions « d’une grande importance », les circonstances tout à fait particulières du cas d’espèce, à savoir la fragilité psychique extrême de la victime et la gravité des infractions reprochées, une telle restriction demeure proportionnée dans la mesure où l’atteinte portée aux droits du prévenu est atténuée par la possibilité pour son avocat d’être présent à l’audition de la victime et de lui poser des questions immédiatement et directement, de même que par sa possibilité de poser des questions complémentaires par écrit à la suite de l’audition. A cet égard, le Tribunal fédéral souligne que dans les affaires d’abus sexuels, l’article 6 par. 3 let. d CEDH ne saurait être interprété strictement et certaines mesures – conciliables avec l’exercice adéquat et effectif des droits de la défense – peuvent être prises en fonction du cas particulier aux fins de protéger la victime.