Pesée d’intérêts en lien avec le droit au respect de la vie privée et familiale devant être effectuée par les juridictions internes en matière d’expulsion obligatoire d’un condamné étranger, iusNet DP-PP 28.10.2024
Loris Bertoliatti résume, pour la plateforme juridique en ligne iusNet Droit pénal et Procédure pénale de Schulthess Juristische Medien AG, l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme CEDH 214 (2024) P.J et R.J c/ Suisse du 17 septembre 2024.
Dans cet arrêt, la CourEDH est appelée à statuer sur le recours formé par un ressortissant étranger (et son épouse) condamné en Suisse pour trafic de stupéfiants et expulsé de Suisse pour une durée de 5 ans. Dans ce cadre, la CourEDH doit vérifier la pesée d’intérêts effectuée par le Tribunal fédéral (et les juridictions inférieures) entre l’intérêt privé du condamné expulsé à demeurer sur le territoire suisse et l’intérêt public à son expulsion.
La CourEDH retient que le Tribunal fédéral n’a pas respecté la jurisprudence de la CourEDH exigeant une mise en balance minutieuse des intérêts individuels et des intérêts publics, en l’occurrence en omettant de prendre en considération le comportement du condamné postérieurement à sa condamnation et l’impact de l’expulsion sur sa vie familiale. Le recours est admis et l’expulsion annulée pour violation de l’article 8 CEDH.
Résumé : un ressortissant étranger est condamné pour infraction grave à la LStup à une peine privative de liberté de 20 mois intégralement assortie du sursis et se voit expulsé du territoire suisse pour une durée de 5 ans. Cette condamnation et cette expulsion sont confirmées par les juridictions internes, en dernier lieu par le Tribunal fédéral. L’intéressé et son épouse saisissent la CourEDH d’un recours à l’encontre de cette expulsion en invoquant l’article 8 CEDH garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. La CourEDH est amenée à vérifier la pesée d’intérêts effectuée par le Tribunal fédéral entre l’intérêt privé du condamné expulsé à demeurer sur le territoire suisse et l’intérêt public à son expulsion. Le recours est admis dans la mesure où le Tribunal fédéral n’a pas respecté la jurisprudence de la CourEDH exigeant une mise en balance minutieuse des intérêts individuels et des intérêts publics. En l’occurrence, la CourEDH reproche au Tribunal fédéral d’avoir violé le principe de la proportionnalité en se focalisant sur certains aspects plutôt que d’autres, notamment en ne tenant pas suffisamment compte du comportement du condamné postérieurement à sa condamnation et à l’impact de l’expulsion sur sa vie familiale.