Punissabilité du responsable rédactionnel d’un média ne s’opposant pas à une publication constituant une infraction pénale, iusNet DP-PP 26.08.2024
Loris Bertoliatti résume pour la plateforme juridique en ligne iusNet Droit pénal et Procédure pénale de Schulthess Juristische Medien AG, l’arrêt du Tribunal fédéral 6B_1033/2023 du 8 juillet 2024 (destiné à la publication).
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral souligne qu’à certaines conditions – qui sont précisément décrites par la Haute Cour – la « personne responsable d’une publication » au sein d’un média (donc ni son auteur ou son rédacteur) a le devoir de s’opposer à une publication dans le média concerné si celle-ci constitue une infraction (par exemple une atteinte à l’honneur d’un tiers). Cette personne peut être tenue pénalement responsable sur la base de l’article 322bis et de l’article 28 du Code pénal si l’auteur de la publication ne peut pas être découvert ou qu’il ne peut pas être traduit en Suisse devant un tribunal.
Il s’agit d’un arrêt important sous l’angle du droit des médias mettant en lumière l’attention toute particulière dont le responsable rédactionnel d’un média doit faire preuve avant d’autoriser la publication d’un article dans le média concerné et les risques que ce responsable rédactionnel encourt le cas échéant.
En l’occurrence, le responsable rédactionnel concerné ne s’était pas opposé à la publication d’un article au contenu diffamatoire rédigé par un auteur non identifié par les autorités pénales et a dès lors été reconnu coupable d’infraction à l’article 322bis CP.
Résumé : Le responsable rédactionnel d’un média online n’empêche pas la publication d’un article au contenu diffamatoire. Il est condamné pour diffamation en première instance, puis, en seconde instance, pour défaut d’opposition à une publication constituant une infraction au sens de l’article 322bis CP. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral est amené à décrire les contours de cette disposition, laquelle s’articule en lien avec l’article 28 CP et dont l’application suppose 1) la réalisation de plusieurs conditions préalables – à savoir (a) la commission d’une infraction primaire, (b) ayant fait l’objet d’une publication, (c) dans un média et (d) ayant été consommée de ce fait, (e) dont le prévenu n’est pas l’auteur au sens de l’article 28 al. 1 CP et (f) dont l’auteur au sens de cette même disposition ne peut être découvert ou ne peut être traduit en Suisse devant un tribunal –, 2) la réalisation de divers éléments constitutifs – à savoir (g) la qualité de « personne responsable » au sens de l’article 28 al. 2 CP, (h) le défaut d’opposition à une publication au contenu diffamatoire et (i) un agissement intentionnel –, étant souligné que 3) le prévenu peut être (j) admis à faire valoir des preuves libératoires et 4) qu’une condition procédurale doit être respectée, soit (k) le dépôt d’une plainte pénale. En l’espèce, le Tribunal fédéral analyse l’ensemble de ces éléments et parvient à la conclusion que le responsable rédactionnel en cause s’est bien rendu coupable de défaut d’opposition à une publication constituant une infraction.